Le syndrome de Gollum – L’emprise numérique

Gauthier STEYER. L’Éclipse du Temps – Éditeur – Les yeux ouverts et les oreilles attentives. Roman. 2021. 9782956167297

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L’Éclipse du Temps – Éditeur
Gauthier STEYER

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4ème de couverture
Chelsea fait partie de la génération Alpha, la première à ne pas connaître ce qu’est la vie déconnectée, à scroller avant de marcher. Comme des milliers, des millions de tout-petits, elle grandit entourée d’écrans, la télévision du salon, l’ordinateur dans la chambre, le smartphone de maman, bientôt sa propre tablette tactile, les écrans partout, dans toutes les mains, toutes les pièces, les transports, les espaces publics…
Avant même d’entrer dans la réalité qui l’entoure, elle est happée par la brillance du monde virtuel et va construire une relation singulière avec ces objets omniprésents, incontournables, indispensables, obligatoires.
Elle risque bien de rejoindre ceux, errant dans un labyrinthe sans issue, aussi tourmentés que Gollum dans le Seigneur des anneaux, hagards et dépendants, les membres atrophiés, le dos voûté, le ventre mou et les yeux immenses, qui ne vivront plus que pour et par une unique chose : leur précieux.

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La nuit a mangé le ciel

Gauthier STEYER. Denoël. Roman. 2018. 9782207142950. Prix Révélation littéraire 2018 (MATMUT / Denoël)

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Denoël
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4ème de couverture
Préface de Philippe Labro, président du jury MATMUT
J’ai posé le front contre la vitre et j’ai regardé les images dehors. On remontait le temps. Il y avait d’abord que le vert des arbres qui se barraient à fond la caisse en sens inverse. Puis très vite, j’ai commencé à y voir plus clair. La forêt a laissé place à des prés, à des champs, bien carrés, bien découpés, avec de belles lignes droites. C’était déjà moins la jungle, avec de grands pylônes électriques au fond, comme il y en a dans la zone à côté de ma cité. Même les couleurs étaient plus nettes, plus propres. Puis les premiers immeubles ont pointé le bout de leurs derniers étages, il y avait de plus en plus de bagnoles sur la grande route, ça commençait à sentir le béton et le goudron. La ville était là. C’était trop bon de rentrer chez soi.
Trimbalé de foyer en famille d’accueil, Juanito, onze ans, refuse l’étiquette de «cas soc’» qui lui colle à la peau et n’a qu’une idée, retrouver la Marmite, la cité où il a grandi.
L’objectif du prix littéraire du groupe MATMUT, c’est de donner une chance aux auteurs qui n’ont jamais été édités.

L’Atelier d’écriture – N° 27-28 – La poire dans le carafon

Gauthier STEYER. L’Atelier d’écriture. Roman. Septembre – octobre 2011. 1694-0792

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4ème de couverture
Derrière mémé, la porte de la chambre s’est ouverte. Les gonds mal huilés m’ont fait vibrer les molaires. Quand Tatiana rentre dans la salle, je crois avoir une hallucination. Je ne la reconnais pas tout de suite. Grand-mère, sans se retourner, a tout vu dans son dos. Tatiana est déguisée comme un clown grotesque de carnaval. Elle porte des sabots au pied et avance lentement dans un bruit de bois qui traîne sur le parquet. Des bandes médicales mal posées lui font des jambes de momie. Elle a enfilé une robe de mémé volée je ne sais où. Ou plutôt si, elle l’a découpée grossièrement dans le tissu des futurs rideaux. Là-dessous, elle a calé au moins quatre coussins, pour bien tendre le textile sur de fausses hanches énormes. Un tablier noué dans le dos resserre le tout. Elle ressemble à un Bibendum ridicule. Elle dégage des effluves de schnaps et de sapin qui emplissent la pièce. Les linges doivent en être imbibés. Ses épaules et sa tête semblent minuscules comparées à la largeur des renflements sous sa robe. Elle porte sur le bout du nez des vieilles montures, peut-être celles de grand-père que j’ai récupérées il y a longtemps. Ses joues sont peintes au rouge à lèvres. Et pour finir le tableau, elle s’est collé sur la tête un torchon de cuisine à petits carreaux. Elle pose des baisers dans le creux de sa main et les envoie vers moi en soufflant dessus. Elle titube un peu. Ce n’est pas pour singer grand-mère. Elle est encore ivre. La vieille ne bouge pas, effarée. Grand-mère a toujours mieux vu derrière que devant. Elle fulmine et attend ma réaction. Les deux sosies me fixent, et elles me font très peur.
Gauthier Steyer

Le titre de ce premier roman fait allusion à une pratique très répandue dans les vergers européens pour confectionner des eaux de vie, jus de fruits ou apéritifs aromatisés. Après la floraison et dès que les fruits se forment sur une branche d’arbre, le paysan y accroche une bouteille ou un carafon suffisamment bombé pour contenir le fruit lorsqu’il aura achevé sa croissance et suffisamment léger pour ne pas casser la branche encore juvénile. De cette manière, une bouteille peut contenir un fruit bien plus gros que son goulot ne permet d’en faire passer, et le produit grandit en étant protégé de prédateurs tels que les oiseaux ou les gros insectes.
Pour ce roman, La poire dans le carafon situe l’univers du narrateur du livre, un garçon de 11 ans qui vit une enfance faite de jeux, de la découverte de la nature et des habitudes des paysans et des jardiniers. Un de ses principaux terrains de jeu est le jardin de son grand-père qui fabrique ce qu’il appelle des « poirteilles », les fameuses poires du carafon… Le grand-père donne une explication assez tentante à ces objets insolites : « Pour le plaisir de l’oeil et pour donner du goût, fiston. Tu verras comme c’est bon l’eau de vie. C’est de l’eau claire et sans microbe, plus pure que l’eau du puits. Ça désinfecte et ça guérit tout. Je vais te faire goûter un jour, j’te raconte pas. »
Le langage du petit narrateur est aussi émaillé d’expressions ou de raccourcis familiers comme « Ça fout les j’tons, j’te raconte pas ». Dans ses premières pages, le texte riche en descriptions, en situations et scènes de vie rocambolesques ou même burlesques, se déguste comme une bonne liqueur ou un sirop qui a le goût de l’enfance heureuse et insouciante, le goût des souvenirs bucoliques et joyeux. Mais l’enfant va grandir, il découvrira aussi la ville et le monde des adultes, avec un bonheur parfois très relatif.