Le traversier – N° 37 – Même pas peur

Collectif. Le traversier. Nouvelles. Mars 2021

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Le Traversier
Albert DÉGARDIN

Éditorial de Christophe Pascal
Je suis sûr que vous l’avez déjà entendue… Si, si ! Faites un petit effort de mémoire : cela devait être, au moins pour la première fois, en école primaire dans la cour de récréation. Vous en souvenez-vous maintenant ? Oui, c’est ça… le caïd menaçant un plus petit que lui, qui à son tour lui jette à la face avec un aplomb insolent : « Même pas peur ! »
Cette expression enfantine, qui s’est glissée dans le langage adulte, fait sourire de prime abord et réfléchir tout de suite après, tellement son contenu est humainement riche. « Même pas peur », la réponse manifeste à une personne ou à une situation qui prétend (et qui souvent réussit à) nous intimider… L’expression est d’ailleurs devenue la réponse spontanée à tous ceux qui s’attaquent aux libertés individuelles de manière abjecte ; que l’on se souvienne du nombre de fois où, de manière sciemment puérile, elle a été employée à la suite des attentats terroristes de 2015.
« Même pas peur », bravade ou courage ? Dans le premier cas, on imaginerait bien ces mots sortir de la bouche d’un matamore comme Tartarin de Tarascon, dans le deuxième de celle du fier et impétueux Cyrano de Bergerac. Qu’elle marque une tentative, plus ou moins maladroite, de reprendre prise dans un contexte stressant ou la plus insensée des témérités, la formule exprime dans tous les cas de figure un refus catégorique de céder à l’arbitraire. Elle représente aussi un défi lancé non seulement au destin mais aussi et avant tout à soi-même. En somme, ce sont trois petits mots sortis tout droit de l’enfance, dont le succès réside dans leur capacité à rendre compte d’une multitude de situations humaines, réelles comme imaginaires.

Les auteurs
Albert DÉGARDIN avec De Dieu, de Diable et de Baobab

Le traversier – N° 34 – Vertige

Collectif. Le traversier. Nouvelles. Juin 2020

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Le Traversier
Albert DÉGARDIN

Éditorial de Patrick Uguen
« O Mort, vieux capitaine, il est temps ! levons l’ancre !
… Plonger au fond du gouffre, Enfer ou Ciel, qu’importe ?
Au fond de l’Inconnu pour trouver du nouveau ! »*
Le vertige : certains ne le connaissent pas, voire même, le réclament, ce creux paradoxal au fond de l’estomac d’angoisse et de désir. Ce n’est pas tant la hauteur, d’aucuns s’effraient d’un tabouret, que la perte du repère, l’apparition de l’inconnu et de son vide qui nous saisit dans le vertige :
– c’est la crainte de ne plus discerner, si loin, tout en bas, la terre disparue. Nos jambes flageolent : il nous faut redescendre ou bien reculer,
– c’est la chaine qui nous retient aux veilles des adieux à nos heures familières : l’affolement du cœur aux battements d’un cil, le tremblement des doigts sur la page qu’on ne sait pas remplir. Et nous refermons nos lèvres et nos stylos.
– c’est, plus terrible, l’effroi du vide de la mort inattendue qui tue l’être cher et tout le cher passé : les portes d’airain qui s’ouvrent et qui descellent nos remparts et rongent nos étais. C’est le gouffre pandémique, l’attente de quelqu’un qui ne reviendra pas.
Mais, revenons à une moindre échelle. Il semblerait que la peur soi salutaire : dans l’évolution, elle serait l’alarme interne qui nous alerte d’un danger…Alors de quoi nous prévient le vertige ? D’une chute possible ? Et nous voilà tétanisés !
Mais, si nous changeons de perspective, le vertige devient la peur de monter trop haut et non celle du vide. Soyons immodeste : de notre tabouret aux falaises d’Etretat, équilibristes entre deux néants, longeons les précipices, grimpons les sommets : ça n’est qu’en avançant que la chute sera moins dure.

*Le voyage, Baudelaire, in Les fleurs du mal 1859

Les auteurs
Monique BABIN
Ghislaine CASSIAT
Albert DÉGARDIN avec Heureux vertige
Alain LAFAURIE
Marie-France LECLERCQ
Marie-Thérèse LEFORT
Michel LEGRAND
Peggy MALLERET
Pierre MANGIN
Bernard MARSIGNY
Arlette MILLARD
Maryse PERROT
Jean-Philippe RICARD
Bertrand RUAULT
Tom SAJA
Patrick UGUEN